Qui a le plus bénéficié de la faiblesse des taux d’intérêts entre 2008 et 2022 ?

14/02/2023
Depuis plusieurs mois maintenant, les taux d’intérêts sont au plus haut, suite à l’action des banques centrales afin de lutter contre l’inflation. Mais avant cela, entre 2008 et 2022, les banques centrales ont mené des politiques qui ont maintenu les taux historiquement bas. En zone euro, qui des gouvernements, des entreprises, du secteur financier ou des ménages ont le plus profité de cette situation ? Et a contrario, qui souffre le plus de la remontée des taux d’intérêts ? Les experts Allianz Trade répondent à cette question dans leur dernière étude !

Au sommaire :

  • 2022 a été marqué par la fin de l’ère des taux d’intérêts négatifs. Mais la remontée des taux opérée l’année dernière s’est faite de manière progressive, et n’a pas affecté les agents économiques de manière uniforme.
  • Les gouvernements européens ont été les grands gagnants de la faiblesse des taux d’intérêts, ils ont économisé 405 Mds EUR de charges d’intérêts entre 2008 et 2022, soit 3,4% du PIB de la zone. En contrepartie, les gouvernements sont ceux qui désormais ressentent le plus les effets du resserrement monétaire : les paiements cumulés nets d’intérêts des gouvernements européens ont atteint 207 Mds EUR en 2022, soit le plus haut niveau constaté depuis 2017, et une hausse de +20% par rapport à 2021 (+34 Mds EUR). « Aussi surprenant que cela puisse paraître, tous les gouvernements européens n’ont pas profité de la faiblesse des taux d’intérêts. En cause, la hausse très prononcée de la dette publique dans certains pays. C’est notamment le cas de l’Espagne, de la Finlande et du Portugal, où la croissance de la dette a absorbé toutes les économies relatives aux faibles taux d’intérêts. A contrario, l’Allemagne est le pays ayant le mieux tiré son épingle du jeu, grâce à une croissance de la dette publique plus modérée », ajoute Ano Kuhanathan, Responsable de la recherche sectorielle d’Allianz Trade.
  • Autre grand gagnant des politiques monétaires accommodantes de la BCE : les entreprises. Entre 2008 et 2022, les dépenses d’intérêts annuels des entreprises de la zone euro ont été quasiment divisés par 2, pour atteindre finalement 136 Mds EUR en 2022. En cumulé, sur la période 2008 – 2022, cela représente une économie de 1 424 Mds EUR, soit 13,1% du PIB de la zone euro. Toutefois, comme pour les gouvernements, les effets du resserrement monétaires se font déjà ressentir : en 2022, les paiements nets d’intérêts des entreprises ont cru de +9,4% vs 2021 (+11,6 Mds EUR), soit un retour au niveau pré-pandémie. « Contrairement aux gouvernements, la faiblesse des taux d’intérêts a bénéficié aux entreprises de tous les pays que nous avons analysés. Seule exception, la Belgique, et toujours pour les mêmes raisons : la croissance de la dette des entreprises belges a compensé presque toutes les économies d’intérêts réalisées », développe Ano Kuhanathan.
  • En revanche, les ménages européens n’ont pas été avantagés par la faiblesse des taux d’intérêts entre 2008 et 2022. En effet, cette situation a logiquement affecté le rendement de leurs placements : leur perte cumulée entre 2008 et 2022 est estimée à 537 Mds EUR de revenus d’intérêts, soit 4,9% du PIB de la zone euro. Et en analysant chaque pays, on se rend compte d’une grande hétérogénéité. « Les ménages autrichiens, belges et allemands sont les plus affectés. En cause, l’orientation de leurs placements vers des actifs plus liquides, donc liés directement aux marchés monétaires ainsi qu’aux taux de la BCE, et le recours à des emprunts à taux fixes, qui n’ont donc pas bénéficié du recul des taux. Á l’inverse, les ménages espagnols et portugais ont tiré profit de la situation, du fait d’un recours important aux dépôts bancaires, sur lesquels les taux sont encadrés, et d’un recul des emprunts bancaires, réduisant la charge d’intérêts. Enfin, la situation des ménages français n’a que très peu évolué sur la période étudiée, du fait d’un recours assez modéré aux placements financiers », précise Ano Kuhanathan.
  • L’autre grand perdant de cette période est évidemment le secteur financier, et particulièrement les banques. La perte cumulée en revenus d’intérêts représente 1 281 Mds EUR entre 2008 et 2022. En cause principalement, les marges des acteurs du secteur, qui ont dû adapter leurs propres taux aux taux pratiqués par la banque centrale, et ainsi réduire leurs profits. En 2022 toutefois, la tendance s’est inversée : les revenus nets d’intérêts atteignent 460 Mds EUR, soit une hausse de +7,8% par rapport à 2021 (+33 Mds EUR).
  • Et si l’on ajoute toutes ces économies et toutes ces pertes, quel pays est le grand gagnant de la période de faibles taux d’intérêts ? L’Espagne, les Pays-Bas et le Portugal arrivent en tête, avec des économies d’intérêts de l’ordre de 24,8% du PIB, 19,1% du PIB et 13,5% du PIB respectivement. L’Espagne et le Portugal bénéficient des économies réalisées par leurs ménages, alors que pour les Pays-Bas, les banques sont le principal contributeur positif. L’Allemagne tire également un bilan positif de la période 2008-2022, avec un impact de l’ordre de 6,6% du PIB, notamment expliqué par les économies réalisées par l’Etat. En revanche, la France fait partie du groupe des perdants, en grande partie du fait des pertes de revenus d’intérêts de ses banques, avec un impact négatif qui se chiffre au total à -3,1% du PIB.