Crise en Mer Rouge

12/01/2024
Les attaques perpétrées par les Houthis sur les navires commerciaux naviguant en Mer Rouge ont engendré d’importantes perturbations du trafic maritime, contraignant les compagnies de fret à opter pour des itinéraires plus longs et plus coûteux. Quel impact sur l’inflation, le commerce mondial et la croissance économique ? Les experts Allianz Trade se sont penchés sur ces questions dans leur dernière étude.
  • La Mer Rouge est une route essentielle pour le commerce mondial, par laquelle transite un tiers du trafic global de containers et 40% des échanges Asie-Europe. Le commerce maritime en volume transitant par le Canal de Suez a décliné de -15% en glissement annuel au cours des 10 jours ayant précédé le 7 janvier, tandis qu’il a reculé de -53% dans le détroit de Bab-el-Mandeb, qui mène à la Mer Rouge. Le nombre de navires commerciaux transitant par le Canal de Suez a reculé de -30% et le nombre de tankers de -19%. Dans le même temps, le commerce maritime transitant par le Cap de Bonne Espérance lui a quasiment doublé, le nombre de navires commerciaux a augmenté de +66% et le nombre de tankers de +65%.
  • « Pour l’instant, l’impact de cette situation reste modéré. Même si le coût du fret maritime a fortement augmenté depuis novembre 2023 et le début des attaques, il n’atteint que le quart du pic observé en 2021. De plus, la demande de biens reste modérée, les stocks des secteurs de biens de consommation sont assez élevés et le fret maritime a augmenté ses capacités avec de nouveaux porte-conteneurs : autant de facteurs qui atténuent les impacts de la situation actuelle. Toutefois, si celle-ci devait se prolonger au-delà du premier semestre 2024, l’impact sur les chaînes d’approvisionnement pourrait être bien plus important », explique Ano Kuhanathan, Responsable de la recherche sectorielle chez Allianz Trade.
  • Quels sont les impacts potentiels de la situation actuelle ? Selon Allianz Trade, une multiplication par deux des coûts du fret maritime générerait +0,7 point d’inflation en Europe et aux USA, contre +0,3 point en Chine. Pour l’inflation, cela signifierait une hausse de +0,5 point, soit 5,1% d’inflation en 2024. Cela se traduirait par un impact de -0,9 point de croissance du PIB pour l’Europe et de -0,6 point pour les USA. A l’échelle mondiale, l’impact sur la croissance du PIB serait de -0,4 point, ce qui la limiterait à +2% cette année.
  • « Les délais de livraisons des fournisseurs se sont normalisés et s’établissent à un niveau inférieur à la moyenne d’avant-pandémie, ce qui a pour effet de modérer l’impact potentiel. Toutefois, si les perturbations s’avéraient plus durables, l’impact sur la croissance du commerce mondial en volume pourrait atteindre -1,1 point. La croissance des échanges internationaux se limiterait alors à +1,9% en 2024, ce qui accroîtrait le risque de voir le rebond du commerce mondial décalé », ajoute Ano Kuhanathan.
  • Allianz Trade considère également que les prix de l'énergie représentent un canal majeur de contagion de la crise actuelle à l’économie mondiale, et plus particulièrement à l’économie européenne. En effet, entre le 17 et le 22 novembre, après que les premières attaques Houties ont été signalées, le prix du Brent a augmenté de près de +2%, tandis que le prix du WTI américain est resté globalement stable. Sur une période de 5 jours autour de l’attaque, les prix du gaz naturel en Europe ont également augmenté de +3,6%.
  • « Toutefois, la situation en la matière n’a pas encore atteint un stade critique. Les prix du pétrole continuent globalement de baisser car l’offre des producteurs est plus élevée que prévue, d’autant que des navires pétroliers continuent de naviguer en Mer Rouge. Concernant le gaz naturel, les réserves européennes sont importantes, et, malgré la récente vague de froid, nous approchons de la fin de la saison du chauffage », tempère Ano Kuhanathan.