Dans un article paru dans la Harvard Business Review, Erin Meyer, professeur et directeur de programme à l’INSEAD, a identifié 5 règles d’or pour négocier un contrat dans un contexte interculturel. Des lignes de conduite à garder en tête à toutes les étapes du processus, y compris pour s’entendre sur les conditions de règlement.
Dans un article paru dans la Harvard Business Review, Erin Meyer, professeur et directeur de programme à l’INSEAD, a identifié 5 règles d’or pour négocier un contrat dans un contexte interculturel. Des lignes de conduite à garder en tête à toutes les étapes du processus, y compris pour s’entendre sur les conditions de règlement.
Dans certaines cultures, comme en Russie ou aux Pays-Bas, il est normal d’être cash. « Je ne suis pas du tout d’accord » ou « vous avez tort » y est vu comme une étape normale d’une discussion saine – à partir du moment où le désaccord est exposé calmement et factuellement. Mais ailleurs dans le monde le même comportement pourrait bien provoquer la colère de son interlocuteur, voire une rupture définitive des relations.
Le conseil d’Erin Meyer : faites attention aux adverbes ! Les mélioratifs sont ces adverbes que l’on utilise pour appuyer son désaccord, comme « totalement, pas du tout, complètement », etc. Les atténuatifs : « un peu, en partie, relativement, peut-être… », adoucissent quant à eux la pensée. Les Russes, les Français, les Allemands, les Israéliens et les Hollandais font largement usage d’adverbes mélioratifs pour exprimer un désaccord. Alors que les Mexicains, les Thaïs, les Japonais, les Péruviens ou les Ghanéens feront grand usage d’atténuatifs pour présenter leur point de vue. Replacez ces adverbes dans leur contexte culturel.
Dans certaines cultures il est courant, et parfaitement normal, d’élever la voix en cours de discussion, de rire à gorge déployée, ou de toucher son interlocuteur. Et dans d’autres, une telle expression corporelle sera ressentie comme intrusive, ou agressive, voire comme un manque de professionnalisme. Mais des gens d’une culture très émotionnelle peuvent aussi bien éviter tout désaccord ouvert. Les Mexicains, par exemple, tendent à contredire en douceur tout en exprimant visiblement leurs émotions. Tandis que si un Allemand déclare « Je ne suis pas du tout d’accord », il s’agit pour lui de débattre d’opinions, pas de désapprouver la personne qui est en face de lui.
Selon Erin Meyer, la seconde règle d’or des négociations interculturelles est de reconnaître ce que signifient les signes extérieurs d’émotion, et d’adapter votre réaction en fonction. Est-ce mauvais signe si les négociateurs suédois calmement installés autour de vous ne sont jamais entrés dans un débat ouvert et ont montré peu de passion au cours de la réunion ? Pas du tout ! Mais si vous rencontrez le même accueil en Israël, ne pariez pas cher sur la conclusion d’un accord.
La Recherche sépare la confiance en deux catégories : cognitive et affective. La confiance cognitive se fonde sur des faits : le parcours du commercial, son savoir-faire, sa fiabilité. Cette confiance est intellectuelle, et se développe au fil du déroulement de l’affaire. La confiance affective vient d’ailleurs – du cœur. Elle se construit sur des émotions : proximité, empathie, sympathie. On rit ensemble, on se détend ensemble, on a des affinités à un niveau personnel. Si les Américains ne mélangent jamais les deux catégories, c’est exactement le contraire en Chine, et dans la plupart des pays de développement récent – BRIC, Asie du Sud-Est, Afrique, etc.
Conseil du professeur : dans certaines cultures il vous faut construire un lien affectif le plus tôt possible. Investissez du temps dans des repas, des verres, du golf ou du karaoké… et n’y évoquez jamais le contrat en cours. Il conclut : « Montrez un intérêt sincère à votre interlocuteur et soyez patients, car à la fin non seulement vous vous serez fait un ami, mais vous aurez aussi conclu une affaire ! »
En Indonésie, il est tout simplement impoli de répondre non à une demande, les yeux dans les yeux. « A la place nous essaierons de montrer notre désaccord à travers notre langage corporel ou le ton de notre voix », témoigne un fournisseur indonésien. Ou encore nous dirons « Nous ferons de notre mieux ». Pas facile de s’y retrouver pour l’exportateur, d’autant que l’interlocuteur sera persuadé d’avoir été ainsi compris entre les lignes.
D’une manière générale, conseille Erin Meyer, quand vous voudrez savoir si votre interlocuteur est décidé, évitez de poser une question fermée. Par exemple, ne demandez pas : « Vous le ferez ? », mais plutôt : « Combien de temps ça vous prendrait de le faire ? » Et si vous posez tout de même une question fermée en Asie du Sud-Est, au Japon, en Corée – et peut-être aussi en Inde ou en Amérique latine, ajoute l’auteur, « déployez vos antennes émotionnelles. Même si la réponse est affirmative, quelque chose peut signifier un non : un silence prolongé, un profond soupir, un « je vais essayer ». Il est alors probable que l’accord n’est pas conclu – et que vous n’êtes pas au bout des négociations. »
La notion de contrat écrit est inhérente au commerce international vu de la fenêtre américaine, ou européenne. Mais dans de nombreux pays, un accord verbal constitue un engagement formel. Réclamer une confirmation écrite, ou juste retracer l’accord dans un compte-rendu écrit, pourra y être vécu comme un insultant manque de confiance. Dans ces cultures, un contrat marque le début d’une relation, mais il est entendu que si la situation change, les détails de l’accord changeront aussi. D’où d’éventuelles déconvenues…
Erin Meyer livre alors sa cinquième règle d’or : avancer prudemment vers la signature du contrat. « Demandez à vos interlocuteurs de vous envoyer les premiers une proposition de contrat : vous comprendrez mieux ce qu’ils ont en tête, et cela vous évitera de leur envoyer un document de trente pages s’ils en attendaient cinq. » Et n’oubliez pas : « dans les marchés en fort développement, tout change très vite, et aucun accord n’est jamais verrouillé à 100%. »