La stratégie de digitalisation d'Euler Hermes France : entretien avec Sophie Marot-Remy

Sophie Marot-Rémy a été élue en juin 2018 Chief Digital Officer le plus transformateur de l’année 2018. Ce prix lui a été remis lors de la 4ème édition de la nuit du Directeur Digitale, un événement organisé par le JDN depuis 2015. Cette récompense salue la stratégie de digitalisation des offres d’Euler Hermes France, stratégie qui s’articule autour de deux axes principaux : la digitalisation des parcours de souscription dans une logique d’omnicanalité ; l’APIsation des services dans une logique de plug-and-play. Une double innovation qui disrupte le monde l’assurance.

Pouvez-vous nous détailler la stratégie que vous avez mise en place ?

Nous avons engagé deux principaux chantiers :

  • D’une part, nous digitalisons les parcours de souscription d’Euler Hermes France : ouverture de compte en ligne, signature électronique, paiement sécurisé… Le processus repose sur l’intégration d’API, afin d’offrir aux entreprises simplicité et rapidité, mais cela demande également de repenser l’offre d’assurance en tant que telle, pour offrir des solutions à la carte. C’est le cas d’EH Fraud Reflex, une assurance fraude globale et 100% digitale que nous commercialisons depuis fin 2017 à destination des petites entreprises mais également de Ma Caution en ligne, qui permet aux entreprises du BTP de faire des demandes ponctuelles de caution pour décrocher des marchés.

  • D’autre part, Euler Hermes France s’est penché sur l’intégration de ses services directement dans des plateformes externes, comme les marketplaces. Une API a été développée spécifiquement à l’attention de ces nouveaux acteurs. Baptisée Single Invoice Cover, elle se connecte directement sur un site de vente en ligne et permet de déterminer la possibilité de couvrir ou non une facture de manière unitaire, puis de fixer en conséquence le prix d’une éventuelle couverture. Ainsi, l’analyse du risque se fait en temps réel et le prix est ajusté en fonction. Cette API inaugure donc une offre d’assurance à la demande, à la transaction et en temps réel. Cette solution challenge l’assurance en tant que telle, ses paramètres, et les modes de distribution. C’est une innovation majeure.

Cette stratégie de digitalisation vous permet-elle d’élargir votre socle de clientèle ?

Absolument ! Si une partie importante de nos clients souhaite toujours bénéficier de nos solutions traditionnelles, nous voyons effectivement affluer vers nous de nouveaux profils de client, comme les marketsplaces B2B. Pour se différencier, ces plateformes ne peuvent pas se contenter de mettre en contact des vendeurs et des acheteurs : elles doivent également offrir un bouquet de services, afin de faciliter le parcours de leurs utilisateurs. Or, dans ce bouquet de services figure l’assurance, un produit connexe au paiement, dans le but d’éviter un impayé dès lors qu’on accorde un délai de paiement. La marketplace est, de ce fait, un nouveau type de client pour nous dont le business model évolue autant que le nôtre. Nous apprenons finalement ensemble !

La confiance est un élément clé de l’image d’Euler Hermes. Alors, comment réussissez-vous à concilier un KYC conforme à la règlementation et une expérience utilisateur fluide ?

Quand nous avons démarré le sujet de la vente en ligne, il était essentiel pour nous de concevoir un parcours optimisé pour s’assurer un bon taux de transformation. Nous avons travaillé avec Netheos pour notre nouveau parcours caution et le lancement du portail entreprise, TradeScore, qui permet à une entreprise de venir déposer des éléments financiers à jour et de comparer ses performances. Nous sommes contraints par la réglementation et tenus par des règles de conformité interne qui nous demandent de connaître nos clients, l’existence réelle de l’entreprise, de l’individu et si cet individu est habilité à engager l’entreprise. Comme nous enregistrons de nouveaux utilisateurs chaque jour, nous devons vérifier pour chacun d’eux l’ensemble de ces pièces, à moindre coût. Avec le digital, nous pouvons non seulement vérifier ces informations en temps réel mais aussi, demain, imaginer assurer un meilleur monitoring du KYC. Ce qui nous a plus dans la solution Netheos, c’était d’ailleurs de pouvoir bénéficier d’un certain niveau d’automatisation qui puisse allier la vérification d’individus et leur habilitation à engager l’entreprise via la vérification du KBIS. L’utilisateur ne le voit même pas.

L’autre vrai enjeu a été, sur le KYC, d’embarquer nos équipes en interne, nos juristes, notre direction IT. Sur l’ensemble des sujets, nous travaillons collectivement avec eux et cela permet aussi à l’entreprise de se réinventer, de progresser.

Enfin, le troisième challenge en matière de KYC est l’international. La scalabilité des solutions reste, sur ce volet, un point d’interrogation. Nous nous concentrons donc, pour le moment, plutôt sur l’Europe et les règles évoluent rapidement. Par exemple en Allemagne, la reconnaissance faciale est exigée. En clair, nous apprenons en marchant.