Après 2 ans de recul, les défaillances d’entreprises au rebond en 2022 en France (+40%) et dans le monde (+15%)

06/10/2021
Depuis 2020, les mesures publiques de soutien ont permis à la plupart des pays d’éviter de fortes vagues de défaillances d’entreprises, malgré un choc économique historique causé par la crise Covid-19. Mais le retrait progressif de ces dispositifs peut-il engendrer une recrudescence des défaillances d’entreprises dans les prochains mois ? Les experts d’Euler Hermes, leader mondial de l’assurance-crédit, répondent à cette question dans leur dernière étude.

Les défaillances d’entreprises au rebond en 2022, mais à un niveau toujours plus bas qu’en 2019

A l’échelle mondiale, les défaillances d’entreprises ont reculé de -12% en 2020. Elles continueront sur la même tendance en 2021 (-6%), du fait de la prolongation de nombreuses mesures publiques de soutien qui ont permis, dans un contexte général de politiques monétaires accommodantes et de forte reprise économique, de réduire la pression sur la trésorerie des entreprises.

« Si l’on regarde les niveaux de défaillances, il apparait que les pouvoirs publics ont réussi à aider les entreprises à surmonter la crise : en 2020, les soutiens publics déployés ont permis d’éviter une défaillance sur deux en Europe de l’Ouest et une défaillance sur trois aux Etats-Unis. L’extension de ces dispositifs a d’ores et déjà permis de garder les défaillances d’entreprises à un bas niveau en 2021, mais la suite dépendra de la façon dont les autorités débrancheront les aides au cours des prochains mois », explique Maxime Lemerle, Directeur des recherches sectorielles et défaillances chez Euler Hermes.

Selon Euler Hermes, le retrait des mesures publiques de soutien devrait déclencher une normalisation progressive des défaillances d’entreprises. Le leader mondial de l’assurance-crédit prévoit une hausse des défaillances à l’échelle internationale de +15% en 2022, après deux années de recul prononcé. Mais avec un retrait des dispositifs étatiques souvent réalisé de manière progressive et ajustée, le retour à la normale des niveaux de défaillances prendra plus de temps : en 2022, les défaillances d’entreprises resteront inférieures de -4% à leur niveau de 2019.

La normalisation des défaillances pourrait prendre plus de temps aux Etats-Unis et en Asie

Dans les marchés émergents, la normalisation des niveaux de défaillances d’entreprises a déjà débuté, en partie du fait de soutiens étatiques moins généreux et, récemment, du renforcement des restrictions sanitaires. Chez les émergents d’Afrique par exemple, les niveaux de défaillances pré-crise seront rattrapés dès cette année. En Europe Centrale et Orientale, ainsi qu’en Amérique Latine, le retour à la normale surviendra en 2022.

Après un recul notable en 2020-2021, du fait d’une sortie rapide de la crise sanitaire et donc d’une forte reprise économique, la plupart des pays asiatiques enregistreront de fortes hausses de défaillances en 2022 (+18% en moyenne pour la région). L’Inde verra notamment ses défaillances d’entreprises croître de +69% l’année prochaine. Toutefois, à moins que la pandémie ne continue de perturber les activités portuaires, les usines et les chaînes d’approvisionnement dans la région, l’Asie enregistrera moins de défaillances d’entreprises en 2021 qu’en 2019.

L’Europe de l’Ouest, de son côté, enregistrera des tendances hétérogènes. Du fait du poids dans leur économie des secteurs les plus exposés à la crise Covid-19, l’Espagne et l’Italie subiront un fort rebond des défaillances en 2022. Au contraire, l’Allemagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas mettront plus de temps à retrouver des niveaux de défaillances similaires à ceux de 2019 du fait de fortes mesures publiques de soutien et/ou de l’extension de ces dernières.

Enfin, aux Etats-Unis, les défaillances d’entreprises resteront à un niveau bas en 2021 et 2022, principalement grâce au soutien public massif déployé et à un rebond économique particulièrement fort, le plus rapide jamais enregistré lors des 3 dernières décennies.

Et la France dans tout ça ?

En France, les défaillances d’entreprises ont reculé de -38% en 2020. Le recul devrait se poursuivre en 2021 (-17%), du fait du soutien massif aux entreprises qui a été déployé dès le début de la crise et prolongé depuis. Euler Hermes estime d’ailleurs que les dispositifs publics français ont permis d’éviter plus d’une défaillance d’entreprise sur deux en 2020. Mais que se passera-t-il quand la perfusion sera débranchée ?

« Nous prévoyons un fort rebond des défaillances en France en 2022, de l’ordre de +40%. Ce rebond ne sera pas suffisant pour rattraper les niveaux de 2019. Toutefois, il est annonciateur d’une tendance : une reprise lente, mais progressive et durable, de la recrudescence des défaillances d’entreprises en France, synonyme de résurgence du risque d’impayés », répond Ana Boata, Directrice de la recherche économique d’Euler Hermes.

5 indicateurs dicteront l’évolution des défaillances d’entreprises dans les prochains mois

Euler Hermes a identifié 5 facteurs qui influenceront la façon dont évolueront les défaillances d’entreprises à l’échelle mondiale dans les mois à venir :

  1. La dynamique de la reprise économique mondiale, qui jouera un rôle important dans la façon dont les Etats retireront les mesures publiques de soutien, sachant que la plupart des pays avancés retrouveront en 2021-2022 une croissance économique supérieure au seuil qui était historiquement nécessaire pour stabiliser le nombre de défaillances d’entreprises (+1,7% en moyenne en Europe). Pour rappel, Euler Hermes estime que la croissance économique mondiale atteindra +5,5% en 2021 et +4,2% en 2022.
  2. Le rythme de retrait des mesures publiques de soutien, qui aura un impact sur le rythme auquel les entreprises devront puiser dans leurs trésoreries pour financer leur activité.
  3. Un point d’autant plus important que de nombreuses entreprises demeurent encore aujourd’hui en situation de fragilité, au risque de se retrouver en situation de défaut de paiement. C’est notamment le cas des ‘zombies pré-covid-19’, qui ont été artificiellement maintenues à flot par les mesures publiques de soutien, mais aussi des entreprises fragilisées par l’explosion de la dette relative à la crise.
  4. La détérioration de la santé financière des entreprises, à laquelle s’ajoute les problématiques de soutenabilité de la dette.
  5. La reprise rapide des créations d’entreprises, puisque la hausse du nombre d’entreprises accroîtra mécaniquement le nombre d’entreprises à risque ; c’est notamment le cas dans les secteurs où des entreprises ont été créées pour répondre à des besoins immédiats pendant la crise (livraison à domicile par exemple), mais dont la viabilité est incertaine.