Une deuxième année de recul pour les ventes de véhicules neufs dans le monde (-4,5% en 2019)

12/09/2019

Les immatriculations mondiales de véhicules neufs reculeront de -4,5% en 2019, soit une deuxième année consécutive de décroissance (-0,6% en 2018). Le leader mondial de l’assurance-crédit estime qu’en 2020, le marché automobile mondial n’affichera qu’une quasi-stabilisation (+0,5%), avec un total de 91,2 millions de nouveaux véhicules immatriculés. Ainsi, le cap des 100 millions de nouveaux véhicules vendus en un an ne sera pas atteint avant 2026.



Les 3 plus grands marchés automobiles déçoivent

Ce repli des immatriculations mondiales de véhicules neufs proviendra des contre-performances enregistrées par les 3 principaux marchés automobiles du monde :

  • En Chine, premier marché mondial, les ventes de véhicules neufs devraient reculer de -9% en 2019 et se reprendre modérément de +2% en 2020 (-2,8% en 2018). Les consommateurs chinois ont adopté un comportement attentiste résultant de trois causes : (i) les tensions commerciales avec les Etats-Unis; (ii) les anticipations de mesures publiques visant à soutenir l’achat de véhicules neufs qui ne se sont toujours pas réalisées ; (ii) l’accélération de la mise en œuvre de normes anti-pollution plus drastiques, qui incite les ménages chinois à décaler leurs achats dans le temps.

  • Aux Etats-Unis, les immatriculations de nouveaux véhicules devraient reculer de -2,5% en 2019 et se replier à nouveau de -1,5% en 2020 (+0,9% en 2018). Le marché américain a atteint un plafond en 2018. Après avoir retrouvé ses volumes record des années 2000, il ne devrait pas éviter le retournement du cycle conjoncturel.

  • En Union Européenne, les ventes de véhicules neufs devraient reculer de -3% en 2019 et de -1% en 2020 (+0,6% en 2018). Le marché européen peine à se remettre des perturbations liées au changement de normes entré en vigueur en 2018. L’ajustement des gammes de véhicules aux objectifs fixés par l’UE en matière de réduction des émissions de CO2 implique des coûts supplémentaires de production, mais la demande demeure trop sensible aux prix de vente pour se porter massivement sur les formes alternatives de motorisations.

En France, les immatriculations de véhicules neufs devraient également se contracter en 2019 (-1%) et se stabiliser en 2020, après une hausse de +3,3% en 2018. Ce recul est également à mettre au crédit des perturbations liées au changement de normes entré en vigueur en 2018.

Le marché du véhicule électrique reste très étroit

Au niveau des ventes mondiales de véhicules électriques, la tendance est plus positive : elles devraient croître à un rythme élevé de +30% en 2019 (+68% en 2018). Toutefois, le marché reste très étroit et insuffisant pour combler le recul des ventes de diesel : en 2019, les ventes mondiales de véhicules électriques représenteront moins de 3% des ventes totales de véhicules neufs.

La Chine est de loin le premier marché mondial en termes de ventes de véhicules électriques, avec 1,5 millions de nouveaux véhicules vendus attendus en 2019, devant les Etats-Unis (410 000) et l’Europe tirée par l’Allemagne (96 000), la France (64 000) et le Royaume-Uni (44 000).

« Le marché mondial de l’électrique se développe, mais les volumes vendus restent faibles. Les constructeurs accélèrent leur mutation, sous l’impulsion des normes imposées par les pouvoirs publics, mais l’offre est encore réduite et la demande ne répond pas. Les ménages sont encore réticents à passer aux véhicules électriques pour deux raisons : le prix d’acquisition est trop élevé par rapport au prix des véhicules traditionnels (+14% en moyenne), et des doutes subsistent quant à l’autonomie des véhicules électriques et la densité des infrastructures de recharge. Constructeurs et pouvoirs publics doivent encore œuvrer pour rassurer les ménages sur ces sujets », constate Maxime Lemerle, Responsable des études sectorielles d’Euler Hermes et expert du secteur automobile.

Le décollage trop lent du marché du véhicule électrique n’est pas sans conséquences pour les industriels du secteur. C’est en particulier le cas en Europe, où les industriels risquent des pénalités financières en cas de non-respect des objectifs d’émission de CO2, alors que la transition vers l’électrique est déjà un triple défi d’ordre industriel, commercial et financier qui pèse sur leur trésorerie et leur rentabilité.

Le véhicule autonome, pas pour tout de suite

Le repli des immatriculations de véhicules neufs et le retard à l’allumage des ventes de véhicules électriques pèsent fortement sur le chiffre d’affaires et les marges des constructeurs. Dans ce contexte, ces derniers sont contraints de multiplier les restructurations et mesures d’économies, mais aussi de revoir leurs ambitions et stratégies quant au déploiement des véhicules autonomes.

« Actuellement, les constructeurs sont forcés de mettre le poids du corps sur les nouvelles formes de motorisation (électrique et hydrogène notamment). Avec des autorités strictes sur le sujet et une demande qui ne croît pas assez vite, c’est un enjeu crucial pour eux. Dans ce contexte, une partie des investissements et recherches sur le développement du véhicule autonome risque d’être décalée dans le temps, ce qui repousserait d’autant le déploiement à grande échelle de ce moyen de locomotion. Toutefois, les enjeux restent tels qu’ils devraient inciter les constructeurs à multiplier les associations et partenariats avec des équipementiers et des entreprises de la sphère des nouvelles technologies pour rester dans la course tout en mutualisant les coûts de R&D », prédit Maxime Lemerle.

Deux chocs commerciaux qui pourraient faire trembler l’automobile européenne

Parallèlement à ces défis d’ordre plus industriels, le secteur automobile européen reste fortement exposé à deux chocs commerciaux :

  1. La rhétorique protectionniste de l’administration Trump : cela fait maintenant plus d’un an que les autorités américaines menacent d’augmenter leurs taxes à l’importation sur les voitures européennes à 25% (+20 points). La menace est toujours sur la table, et elle a de quoi inquiéter les constructeurs européens, car le marché américain représente près de 10% du total des exportations de voitures européennes. Si une telle mesure était appliquée, Euler Hermes estime que le coût moyen d’une voiture européenne importée aux Etats-Unis augmenterait d’environ 6 500 EUR. Cela se traduirait également par 270 000 voitures européennes de moins exportées vers les Etats-Unis en 2019, soit un manque à gagner de 14 Mds EUR pour l’industrie automobile européenne, dont 7 Mds EUR pour l’Allemagne. Les exportateurs français seraient pour l’essentiel épargnés, car ils sont finalement peu présents aux Etats-Unis.

  2. Le Brexit : la sortie britannique de l’Union Européenne pose deux questions. D’une part, un problème de débouchés commerciaux pour les exportateurs européens qui, exposés à une hausse de leurs prix de vente sur un marché britannique en repli, ont déjà enregistré un manque à gagner significatif depuis 2016 (18 Mds EUR). D’autre part, un défi industriel : depuis le référendum de 2016, de nombreux acteurs du secteur automobile ont déjà quitté le Royaume-Uni et relocalisé leur production dans d’autres pays européens.

« Les défis qui se dressent sur la route des acteurs du secteur automobile sont nombreux. L’industrie automobile mondiale vit actuellement une période charnière de son histoire : contrainte de se transformer pour répondre aux enjeux écologiques d’aujourd’hui, et mise sous pression par les turbulences commerciales qui secouent l’économie mondiale, elle doit désormais parvenir à embarquer les consommateurs dans son sillage. Sous peine de mettre en péril très rapidement sa rentabilité et sa trésorerie », conclut Maxime Lemerle.