Les retards de paiement et grandes défaillances augmentent alors que les réserves de trésorerie sont au plus haut

L’économie mondiale doit encore faire face à divers obstacles, malgré un dynamisme retrouvé. En effet, même si la trésorerie accumulée par les sociétés non financières a atteint un nouveau record, les délais de paiements restent particulièrement élevés et les défaillances de grandes entreprises (sociétés affichant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions EUR) augmentent.

  • Au T1 2017 (vs T1 2016), le chiffre d’affaires cumulé des grandes défaillances a augmenté de 34% à 19,1 Mds EUR, et le nombre de défaillances de grandes entreprises a plus que doublé.

  • En chiffre d’affaires cumulé, les 20 plus grandes défaillances d’entreprises représentent 70% du total mondial (13,4 Mds EUR).

  • Fin 2016, à l’échelle mondiale, les sociétés non financières détenaient 7.000 milliards de dollars de trésorerie, un niveau record.

  • Depuis la crise financière de 2008, les réserves de trésorerie mondiales ont doublé et représentent désormais près de 10% du PIB mondial.

  • Les entreprises américaines détiennent 30% des réserves de trésorerie mondiales ; les entreprises chinoises ont multiplié par deux leur matelas de trésorerie depuis 2010.

Dans son dernier Bulletin Economique, Euler Hermes se penche sur le cas des entreprises dans le monde, au travers de 3 axes :

  1. le cash cumulé disponible dans les trésoreries de 30.500 sociétés cotées dans 94 marchés financiers ;
  2. les niveaux de défaillances dans 43 marchés ;
  3. le comportement de paiement de 27.000 sociétés cotées du monde entier.

« Dans un contexte de stabilité générale et de reprise économique mondiale, le degré de disparité et de risque ne demeure pas moins élevé, » explique Ludovic Subran, Chef Economiste d’Euler Hermes. « Ce phénomène devient de plus en plus extrême, alors que l’accumulation de trésorerie dans certaines régions et secteurs bat de nouveaux records, et que la sévérité et la fréquence des défaillances de grandes entreprises s’accentuent. »

Défaillances d’entreprises : le risque de l’effet domino

Euler Hermes table sur une baisse globale des défaillances à l’échelle mondiale de -1% cette année, avant une hausse de +1% en 2018. Mais dans 20 pays, les défaillances d’entreprises devraient atteindre en 2017 des niveaux supérieurs à la moyenne d’avant-crise. Après trois années de contraction prononcée des défaillances (-13,6% en 2014, -8,4% en 2015 et -4% en 2016), le panorama mondial est marqué par d’importantes disparités régionales.

En se basant sur les statistiques nationales et les prévisions d’Euler Hermes pour 43 marchés, la recherche révèle :

1. Des perspectives mondiales équilibrées
• Les niveaux de défaillance au plan mondial devraient baisser de -1 % en 2017 et augmenter de +1 % en 2018.

2. Des tendances régionales inégales
• Une hausse pérenne et généralisée des défaillances en Amérique latine (+8% en 2017 et +11% en 2018), en Afrique (+10% et +6%) et en Asie-Pacifique (+3% pour les deux années).
• Une stabilisation en Amérique du Nord en 2017 (0%) avant une recrudescence en 2018 (+5%) après 7 ans de régression régulière.
• Rythme plus modéré de baisse des défaillances en Europe occidentale : -5% en 2017 et -2% en 2018 contre -7% en 2016. En Europe centrale et orientale (+1%, -6%), les problèmes en Russie, Pologne et Turquie contre-balanceront les améliorations des plus petits pays en 2017.

Les chiffres mondiaux cachent également une forte progression des grandes défaillances au T1 2017. Environ 74 entreprises affichant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions EUR ont fait faillite au cours des trois premiers mois de l’année, soit 30 de plus qu’au T1 2016. Le chiffre d’affaires cumulé de ces entreprises s’élève à 19,1 Mds EUR, en hausse de +34%. Les 20 plus grandes défaillances représentent d’ailleurs 70% du total mondial des défaillances en chiffre d’affaires cumulés (13,4 Mds EUR). Alors que huit de ces défaillances ont eu lieu aux Etats-Unis, la plus forte hausse du nombre de grandes faillites concerne l’Europe. En effet, plus d’une grande défaillance sur trois (25 sur 74) concernait l’Europe au T1 2017.

Sous la pression de la digitalisation et poursuivant la tendance observée ces quatre derniers trimestres, les secteurs de la distribution et des services ont enregistré le nombre le plus important de grandes défaillances au T1 2017 : 17 (contre 10 au T1 2016) et 14 (contre 5) respectivement. Le chiffre d’affaires cumulé des entreprises en faillite dans ces secteurs au premier trimestre s’élève à 6,2 Mds EUR (+579 %) et à 5,2 Mds EUR (+477 %) respectivement. Les secteurs de la pharmacie et de l’informatique/télécoms sont restés bien orientés, n’enregistrant aucune grande défaillance au T1 2017.

Euler Hermes met en garde les entreprises contre l’effet domino de ces grandes défaillances. Ce phénomène pourrait avoir de sévères répercussions sur les fournisseurs d’un bout à l’autre de la supply chain. A titre d’exemple, les défaillances dans la distribution aux Etats-Unis et au Royaume-Uni pourraient affecter les secteurs électronique, manufacturier et textile dans le monde entier.

Trésorerie : la tendance à la thésaurisation est-elle durable ?

En règle générale, le secteur de la technologie reste la machine à cash la plus performante. C’est particulièrement vrai aux Etats-Unis, où il cristallise 71% des réserves mondiales de trésorerie du secteur. Sur un total de 2.100 Mds USD détenus par les entreprises américaines, 916 Mds USD (44%) sont détenus par le secteur de la technologie, et notamment par les géants que sont Apple, Microsoft, Alphabet, Cisco et Oracle. A eux cinq, ils avaient accumulé 565 millions USD de trésorerie à fin 2016. Pour comparaison, c’est plus que les réserves de trésorerie cumulées des sociétés non financières allemandes et britanniques. A l’inverse, deux secteurs ont accumulé moins de cash en 2016 : les machines & équipements (-278 Mds USD) et l’équipement ménager (-104 Mds USD).

Les réserves de trésorerie ont atteint un nouveau record l’an dernier, les sociétés non financières détenant 7.000 Mds USD en cash et équivalents cash à fin 2016. Avec une hausse de +2,9% par rapport à 2015 et de +34% par rapport à 2010, l’accumulation de cash au plan mondial a doublé depuis la crise financière de 2008. Elle représente à présent 9,5% du PIB mondial, contre 6,1% en 2007.

Alors que les sociétés non financières américaines détiennent 30% des réserves mondiales de trésorerie, les entreprises chinoises ont multiplié par deux leur matelas de cash depuis 2010.

La croissance économique mondiale a beau soutenir la génération de trésorerie, la persistance des incertitudes et des risques continue à inciter les entreprises à épargner. Cependant, la reprise des investissements mondiaux et les opérations de fusion-acquisition devraient contribuer à tasser le rythme de l’accumulation de trésorerie. D’autres développements pourraient également avoir un impact. A titre d’exemple, le projet de rapatriement fiscal du gouvernement américain pourrait remporter un vif succès si les entreprises sont incitées fiscalement à rapatrier des montants considérables de cash aux Etats-Unis.

Délais de paiement : de fortes disparités régionales et sectorielles

Dans un environnement marqué par les défaillances de grandes entreprises et l’accumulation de trésorerie, il est fort probable que le comportement de paiement des entreprises reste tendu. Les entreprises dans le monde entier ont dû en moyenne attendre 64 jours pour être payées en 2016, alors qu’une sur quatre était payée après 88 jours (2 jours plus tôt qu’en 2015). Malheureusement, 9% des entreprises ont dû attendre plus de 120 jours en moyenne l’an dernier. Euler Hermes table sur une stabilisation du délai moyen de paiement au niveau mondial de 64 jours en 2017.

Alors que la Nouvelle-Zélande, l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark, les Etats-Unis, la Suisse et l’Australie occupaient la tête du classement avec les délais moyens de paiement les plus courts (42, 44, 46, 48, 49, 49 et 50 jours respectivement), à l’autre bout de l’échelle se trouvent les pays les plus lents, à savoir la Turquie, l’Italie, la Grèce et la Chine (80, 85, 88 et 89 jours respectivement). Euler Hermes estime que la situation en Chine doit être particulièrement surveillée, car le délai moyen de paiement jours y a atteint en 2016 un plus-haut en l’espace de 9 ans. En Europe occidentale, la période moyenne d’attente a légèrement augmenté (+1 jour à 61 jours). Le niveau de délai moyen de paiement s’est amélioré dans les pays méditerranéens où il est généralement supérieur à la moyenne régionale. Ainsi, l’écart entre les pays les plus performants et les moins performants semble se réduire.

Dans l’ensemble, les secteurs industriels en amont tels que la chimie, la construction, les technologies de l’information et de la communication, et les machines et équipements ont des délais moyens de paiement supérieurs à la moyenne mondiale. La métallurgie fait figure d’exception, et a enregistré un DSO de 56 jours en 2016. Les sociétés opérant dans les secteurs avec des points de vente de détail comme l’alimentaire, les biens d’équipement ou les transports ont habituellement des délais de paiement plus rapides par rapport à la moyenne mondiale.