Baromètre Export 2016 : 44 milliards de plus à saisir à l’export d’ici 2017 pour les entreprises françaises

Grâce à l’appui de ses 23 délégations régionales, réparties sur l’ensemble du territoire français, Euler Hermes a interrogé plus de 900 exportateurs français sur leurs intentions de développement et leur fonctionnement à l’international. En résulte ce cinquième baromètre exclusif sur le thème des entreprises françaises face à l’export.

  • En 2016, le gain à l’export des entreprises françaises devrait se réduire à 10 milliards d’euros, soit 3 fois moins qu’en 2015 (27 milliards d’euros). Ce trou d’air serait de courte durée : dès 2017, le gain export s’afficherait à 34 milliards d’euros.

  • Près de 8 entreprises sur 10 envisagent une augmentation de leur chiffre d’affaires à l’export cette année.

  • L’impayé, le risque de change et le manque d’information financière restent les trois principaux freins à l’export pour plus d’une entreprise sur deux.

  • Ainsi, la zone euro redevient le terrain de jeu privilégié des exportateurs français et ces derniers cherchent d’autres formes d’internationalisation (acquisition et partenariat plutôt qu’exportation). Le retour du risque pays modère cependant les ardeurs : seule une entreprise sur quatre envisage d’investir davantage à l’international en 2016 ; elles étaient une sur trois dans notre baromètre précédent.

En France, 2016 marque une dichotomie entre une demande intérieure qui ne cesse de s’améliorer (l’investissement soutiendra la croissance pour la première fois depuis 2011), et une demande extérieure qui marque le pas. La France va mieux, sa compétitivité se redresse, mais l’export rapporte moins : la baisse du prix des matières premières s’est diffusée à tous les autres biens et la dépréciation des devises émergentes a renforcé cet effet prix négatif. En conséquence, le déficit commercial devrait se creuser pour s’établir à -55 milliards d’euros cette année.

L’année 2017 serait, elle, moins difficile à l’export. Malgré une croissance mondiale attendue toujours en deçà de +3%, les effets prix devraient jouer plus favorablement.

I. 2016 est difficile pour les exportateurs français, mais ce trou d’air ne devrait pas durer

Seulement 10 milliards d’euros d’’exportations supplémentaires à saisir en 2016 pour la France en raison d’un effet prix…

« Le potentiel export a été affaibli en 2016 par la transmission de la baisse du prix des matières premières aux biens industriels et la dépréciation des devises émergentes », explique Ludovic Subran, Chef économiste d’Euler Hermes. La baisse du cours du pétrole a été en partie répercutée par les entreprises françaises sur leurs prix de vente à l’export, affectant ainsi les flux de commerce en valeur. Cet effet prix a été renforcé par la dépréciation des devises émergentes, d’où une dégradation assez marquée des prix pratiqués à l’export par les firmes françaises entre mi-2015 et le T1 2016. « En conséquence, les exportations françaises ne devraient croître que de 10 milliards d’euros en 2016, une croissance quasiment 3 fois inférieure à celle de 2015 (27 milliards d’euros) », ajoute-t-il.

Ce surplus de demande proviendra majoritairement d’Allemagne (+2,7 milliards d’euros), d’Espagne (+1,5 milliard) et des Etats-Unis (+1 milliard). 2016 devrait marquer un fort recentrage des exportations françaises vers la zone euro : plus des deux-tiers de la croissance des exportations françaises en proviendront (Allemagne, Espagne, Belgique, Italie et Pays-Bas en tête). Certains secteurs bénéficieront plus directement de cette nouvelle demande : les biens d’équipement (+3,1 milliards), la chimie (+1,9 milliards) et l’automobile (+1,9 milliards).

…mais 2017 devrait renouer avec un gain export plus marqué de 34 milliards d’euros supplémentaires

La faible croissance en valeur des exportations françaises en 2016 semble n’être qu’une parenthèse. Avec un commerce mondial en hausse de +3.4% en volume en 2017 et des effets prix qui joueront plus favorablement (le choc pétrole sera derrière nous), les exportations françaises s’accroitront de 34 milliards d’euros, un rythme plus conforme avec le potentiel des entreprises françaises à l’exportation. L’ancrage européen restera plus fort que par le passé, car les exportateurs français bénéficieront du renforcement de la croissance européenne. Toutefois, le grand export fera aussi son retour, la Chine apparaissant à nouveau parmi les 10 plus fortes croissances à l’export (+1,3 Mds en 2017).

Une exposition géographique qui protège la France des risques d’impayé et de change

Comme en 2014 et en 2015, l’indice de défaillances à l’export français devrait reculer en 2016 (-3,3%). La France bénéficie à plein de son exposition géographique très européenne et de la reprise de la zone. « L’Europe occidentale est la seule région où les défaillances d’entreprises continueront de baisser en 2016 (-5%) et en 2017 (-3%), avec un très fort recul des faillites en Espagne (-10%) et en Italie (-8%) », détaille Stéphane Colliac, économiste France d’Euler Hermes. De plus, la part léonine de l’export intra zone euro est un véritable pare-feu pour les entreprises françaises, dans une période de tumulte sur le marché des changes, souvent couplé avec davantage de protectionnisme (près de 700 nouvelles mesures protectionnistes à travers le monde en 2015).

« Néanmoins, le risque d’impayé reste important pour les exportateurs français. Les volumes de défaillances attendus en 2016 en Europe de l’Ouest restent largement supérieurs à ceux d’avant-crise, avec un indice de défaillances à l’export qui a évolué de +43% entre 2007 et 2016 », poursuit Hubert Leman, membre du Comité Exécutif d’Euler Hermes France.

La France réduit son retard de compétitivité grâce à son offensive en termes de politiques publiques

L’impact des baisses de charge sur le coût du travail devient perceptible. La France tend ainsi à réduire son retard de compétitivité sur l’Allemagne (qui, elle, a vu ses salaires augmenter) : de 10 points en 2012, l’écart de coût du travail France-Allemagne ne devrait plus être que de 5 points en 2017 dans les secteurs marchands, ce qui jouera favorablement sur notre capacité à saisir la demande européenne. « L’entrée en vigueur du Pacte de Responsabilité n’a fait que rendre plus évident un mouvement enclenché au travers du CICE : à partir de 2015, la compétitivité française a accéléré son rattrapage sur la compétitivité allemande. Ces mesures ont allégé les coûts des entreprises sans couper dans les salaires comme l’ont fait nos voisins européens. L’effort correspond à une réduction du coût du travail de presque -3% à fin 2015, et jusqu’à -5% à fin 2017 », développe Ludovic Subran.

II. Conscientes des risques à l’export pour 2016, les 900 PME et ETI exportatrices interrogées se montrent légèrement plus frileuses qu’en 2014, et préfèrent se concentrer sur la zone euro

Près de 8 entreprises sur 10 envisagent d’augmenter leur chiffre d’affaires à l’export

Dans son dernier baromètre export, Euler Hermes a constaté un léger recul du nombre d’entreprises désireuses d’augmenter leur chiffre d’affaires à l’export : 79% en 2016 contre 83% en 2014, les intentions fermes se maintenant à 49%, et les intentions probables reculant à 30% (contre 34% en 2014). Ce léger recul est imputable à l’incertitude qui pèse à l’échelle internationale : faible croissance économique mondiale, volatilité des changes, persistance du risque politique, rebond des défaillances d’entreprises à l’échelle mondiale. Les débouchés lointains sont soumis à rude épreuve.

Les intentions fermes sont plus élevées dans les secteurs des services (66%) et des biens de consommation (53%). Ces secteurs tirent profit des gains de pouvoir d’achat dont les ménages ont bénéficié et continuent d’offrir des débouchés conséquents pour les entreprises françaises, particulièrement en Europe.

Les raisons d’une plus grande frilosité : le risque d’impayé toujours numéro 1, le risque de change et le risque politique remontent en flèche

Comme en 2014, le risque d’impayé reste la principale préoccupation des exportateurs français : 59% des entreprises craignent l’incapacité de leurs clients à honorer leurs engagements. « Cette perception du risque est aggravée par la difficulté d’obtenir des informations financières sur les clients, citée par 51% des entreprises interrogées », précise Hubert Leman. Une crainte motivée par la recrudescence des défaillances à l’échelle mondiale en 2016 (+2%), en hausse pour la première fois depuis 2009.

Fait marquant dans les résultats de cette année, 55% des entreprises redoutent le risque de change, contre 39% en 2014. La situation des pays émergents inquiète les exportateurs. « La baisse du prix des matières premières et la politique monétaire américaine moins accommodantes ont contribué à la dépréciation massive des devises émergentes, effrayant au passage les courageux du grand export qui ont vu le risque de change peser dans le bilan », explique Stéphane Colliac.

Enfin, les exportateurs français restent très attentifs au risque politique (41%), qui semble faire son retour à l’international. Euler Hermes a en effet dégradé la note de risque pays à court-terme de 11 économies début 2015, dont la Chine et le Brésil.

Par ailleurs, le poste client est aujourd’hui plus difficile à gérer à l’export. 19% des exportateurs français déclarent que les délais de paiement se sont rallongés sur les 12 derniers mois. « Le secteur des transports est un exemple frappant, puisque 25% des entreprises de ce secteur ont constaté une hausse des délais de paiement lors de l’année écoulée. Cette pression est imputable à l’atonie des échanges internationaux et à la baisse du prix des transports, le Baltic Dry ayant été divisé par quatre depuis 2013. Tout ceci a pesé sur les marges de ces entreprises », selon Stéphane Colliac.

Une réelle envie d’export, mais pas trop loin

Les destinations privilégiées par les entreprises françaises se recentrent sur la zone euro (Allemagne, Espagne et Belgique en tête). L’Italie se replace en 4ème position, et gagne deux places, devant le Royaume-Uni et les Etats-Unis. La remontée du risque de change invite à la prudence.

Alors que le Brésil, l’Algérie et l’Inde caracolaient en tête des pays visés pour 2015, le podium des destinations visées pour 2016-17 diffère. « Les Etats-Unis arrivent premier du classement des destinations visées pour les prochains trimestres. Les exportateurs français n’ont pas pleinement profité d’un cycle de croissance (2% de moyenne pour la 8ème année consécutive) qui ne semble pas s’essouffler, et veulent se rattraper dès cette année », poursuit Ludovic Subran. Par ailleurs, l’Espagne se hisse à la troisième place, forte de la reprise de sa croissance économique (+2,6% en 2016), parmi les plus fortes de la zone euro.

Mais les entreprises hésitent à se lancer vers de nouveaux marchés : seul un exportateur français sur deux s’y risquerait en 2017. « Avec des risques de change et d’instabilité politique accrus, les BRICs ne sont plus convoités que par 29% des exportateurs français contre 49% en 2014 : à ce degré, on peut parler d’anges déchus », précise Stéphane Colliac. Au niveau sectoriel, l’agroalimentaire et les biens d’équipement sont les moins frileux, forts de leur compétitivité restaurée : dans ces secteurs, plus d’une entreprise sur deux est prête à exporter vers une nouvelle destination.

Exporter ou investir à l’étranger : quelle stratégie adopter dans un monde turbulent ?

64% des entreprises privilégient l’export comme stratégie d’internationalisation plutôt que l’implantation locale. La forte concentration de leurs exportations en Europe leur évite d’être confrontées aux barrières protectionnistes. Les secteurs qui exportent le plus sont d’ailleurs ceux qui bénéficient pleinement du marché commun (agriculture, agroalimentaire).

36% des entreprises font le choix de l’implantation locale. Ces choix sont essentiellement portés par des raisons de facilités d’accès au marché et de proximité du consommateur (51%) plutôt que par des raisons de coût du travail (9%) ou de fiscalité locale (4%). Ce sont les services, pour lesquels les barrières au commerce restent plus fortes, qui recherchent le plus une implantation locale. Les chiffres de fusion acquisition, en hausse de +19% en 2015 soutiennent d’ailleurs cette hypothèse d’un pouvoir d’achat accru des entreprises françaises alors que l’export devient plus difficile. Cette internationalisation plus capitalistique rapporte 1,2 points de PIB (revenu des IDE) et semble performante dans un monde aux chaines de valeur plus courtes pour servir un consommateur plus exigeant.

Toutefois, les velléités d’investissement à l’étranger sont affectées par le retour du risque pays : seulement 26% des entreprises interrogées envisagent d’investir davantage à l’étranger en 2016, à égalité avec l’intention d’investir en France. Pour mémoire, elles étaient 32% à jouer offensif à l’international en 2014. Alors que le change joue en faveur des entreprises françaises, l’instabilité économique perçue et les risques pesant sur les actifs priment.