1 an après le premier confinement, où en est l’économie française ?

12/03/2021
Le 17 mars 2020, la France connaissait le premier confinement de son histoire. Une mesure sanitaire forte, destinée à endiguer l’épidémie Covid-19, et qui a eu des répercussions importantes sur l’économie française. Un an après l’entrée en vigueur de cette mesure, qui a depuis été suivie par de nombreuses autres restrictions sanitaires, où en est l’économie française ? Comment a-t-elle encaissé ce choc économique majeur, et quelles sont ses perspectives de reprise ?

A l’occasion de l’anniversaire du premier confinement, les experts d’Euler Hermes, le leader mondial de l’assurance-crédit, vous proposent un tour d’horizons de l’économie française en quelques indicateurs clés.

Croissance du PIB : récession historique, rebond à l’horizon

En 2020, la France a enregistré sa pire récession économique depuis 1945, avec un PIB en contraction de -8,2% sur un an. Les restrictions sanitaires destinées à endiguer l’épidémie Covid-19, essentielles pour préserver la santé de la population, ont eu un impact conséquent sur l’activité économique française. Tant du côté de l’offre, avec une perturbation sévère de la production voire même un arrêt prolongé pour certains secteurs, que du côté de la demande, avec une consommation contrainte. 

« Il faudra être patient pour voir la dynamique de reprise s’installer en France. Tout d’abord, parce que l’apparition de nouveaux variants, et la mise en place de nouvelles restrictions sanitaires, ont continué de peser sur l’activité en ce début d’année. Ensuite, parce que l’accélération de l’activité dépend grandement du retour de la confiance des agents économiques, et donc du succès de la campagne de vaccination. In fine, 2021 devrait être l’année de la reprise pour l’économie française avec une accélération d’activité en particulier au S2. Nous attendons un rebond de la croissance française cette année de +5,4%, qui sera certes insuffisant pour revenir au niveau de PIB de 2019, mais qui marque une première étape vers cet objectif », expose Selin Ozyurt, économiste France chez Euler Hermes. 

Utilisation des capacités productives : l’activité au ralenti en 2020

L’année dernière, l’activité productive a été fortement entravée par la situation sanitaire. Au moment du premier confinement, de nombreux secteurs ont dû mettre entre parenthèses leur activité le temps d’adapter leur fonctionnement, afin de respecter les réglementations sanitaires mises en place par les autorités publiques. Une fois ces réorganisations effectives, la production est restée tout de même contrainte du fait d’une demande moins forte qu’en 2019. Ainsi, au dernier trimestre 2020, les capacités productives dans le secteur industriel étaient -7,5% en dessous de leur moyenne de long terme en France, contre -5% en Allemagne et -2,4% aux Etats-Unis. Début 2021, le niveau français était toujours inférieur de -5% à sa moyenne de long terme, de nombreux secteurs restant toujours exposés à l’incertitude du contexte actuel tels que la fabrication de matériaux de transports (automobile, aéronautique) ou l'habillement. Toutefois, les experts d’Euler Hermes prévoient un retour à la normale du niveau d’activité au S2 2021, en ligne avec le début de la reprise économique française.

Consommation des ménages : un recul contraint malgré un pouvoir d’achat résilient

En 2020, la consommation des ménages a reculé de -7% sur un an, malgré une légère augmentation du pouvoir d’achat (+0,6%), préservé par les dispositifs de soutiens étatiques. Un déclin important, mais qui reste bien inférieur à celui constaté dans les autres pays européens, comme l’Espagne (-12,6%), l’Italie (-10,7%) et le Belgique (-8,7%). Le recul de la consommation française s’explique par l’application des restrictions sanitaires, mais aussi par une prudence plus grande des ménages face à un environnement incertain. Une situation qui a poussé les ménages français à thésauriser : le taux d’épargne des ménages français a cru de +6,4 points entre 2019 et 2020, soit un surplus d’épargne de 130 Mds EUR. S’il était consommé, l’excès d’épargne actuel représenterait environ 5 points de croissance de PIB pour la France. En 2021, les français recommenceront-ils à consommer, ou continueront-ils à épargner ?

« Ce qui est rassurant, c’est que la consommation des ménages a fortement rebondi au T3 2020, au moment de la levée de certaines restrictions sanitaires, preuve d’une certaine résilience. La clé pour voir la consommation repartir de l’avant cette année sera évidemment la confiance, en particulier quant aux perspectives d’emploi. En fonction du succès des campagnes de vaccination, et du prolongement des soutiens étatiques, nous estimons que ce retour de la confiance pourrait arriver au printemps 2021. Si tel est le cas, on peut s’attendre à voir la consommation des ménages français de rebondir de +5,7% cette année. Elle serait ainsi le principal moteur de la reprise économique française », répond Selin Ozyurt.

Marges des entreprises : une érosion importante malgré le soutien étatique

Même s’il a permis à de nombreuses entreprises fragilisées par la crise Covid-19 de perdurer, le soutien étatique ne sera pas parvenu à préserver les marges des entreprises françaises. En effet, le taux de marge des entreprises françaises (EBE/VA) a reculé en 2020 à 29,3%, soit près de -4 points par rapport au niveau de fin 2019 (33,2%). Une conjonction de trois facteurs explique cette évolution : la baisse de la productivité en raison des fermetures administratives et des contraintes sanitaires ; le recul de la consommation des ménages, synonyme d’entrées moins importantes de chiffre d’affaires ; le poids des compensations salariales (malgré le dispositif du chômage partiel), qui sont progressivement devenues moins généreuses pour les secteurs qui n’étaient pas directement touchés par les mesures sanitaires. En 2021, selon les estimations d’Euler Hermes, le taux de marge des entreprises françaises devrait repartir à la hausse et atteindre environ 31%. Une dynamique qui dépendra à la fois de la reprise de l’activité, et du maintien des dispositifs gouvernementaux au S2 2020.

Endettement des entreprises : une hausse bien plus importante que dans le reste de l’UE

A la fin du T3 2020 , le taux d’endettement des entreprises françaises avait déjà cru de près de +13 pts par rapport au T4 2019, pour atteindre 85,9% du PIB. Un endettement conséquent en comparaison de celui des autres entreprises européennes au même moment, qui atteignait 67,6% du PIB en moyenne en zone euro (+6,3 pts) et 45% du PIB en Allemagne (+4 pts). Comment l’expliquer ? Le recours aux PGE justifie une bonne partie de cette hausse de l’endettement des entreprises françaises. Heureusement, le remboursement des PGE a été décalé à mars 2022, ce qui permettra à court terme de préserver les trésoreries. Mais à moyen terme, le poids de cette dette pèsera forcément sur la solvabilité des entreprises françaises, sur leurs marges et leur capacité d’endettement. Un constat particulièrement valable pour les entreprises évoluant dans les secteurs les plus exposés au contexte sanitaire (distribution, hôtellerie-restauration, évènementiel, tourisme, …).

Investissement des entreprises : une reprise amorcée dès le T3 2020

En 2020, l’investissement des entreprises a reculé de -10,3% sur l’année 2020, face à la prudence croissante des entreprises et aux fortes pressions exercées sur leur trésorerie. Toutefois, un élément positif est à noter : la majeure partie de cette baisse a été constatée au S1 2020, et le redémarrage de l’investissement a été amorcé dès le T3 de l’année dernière. Une reprise qui devrait se poursuivre tout au long de l’année 2021, avec un rebond de +8,7% de l’investissement des entreprises attendu en 2021. Celui-ci sera soutenu par le rebond cyclique de la demande intérieure, le rétablissement de la confiance des agents économiques et des conditions de financement favorables.

BFR : une hausse de +2 jours qui pourrait peser sur les trésoreries

Historiquement, les phases de reprise impliquent un relâchement des comportements de paiement des entreprises et un fort besoin de reconstitution des stocks, comme ce fut le cas en 2010 et en 2017. Ainsi, le besoin en fonds de roulement (BFR) des entreprises françaises pourrait selon Euler Hermes croître de +2 jours en 2021, ce qui représente en valeur 4 Mds EUR. Une pression de plus sur la trésorerie des entreprises à prévoir cette année, puisque ces dernières devront puiser dans leurs réserves de liquidités pour financer la reprise de l’activité à un rythme bien plus élevé qu’en 2020.

Défaillances d’entreprises : gare à la résurgence du risque d’impayés

En 2020, le nombre de défaillances d’entreprises a fortement reculé en France (-39%, soit 32 000 défaillances sur l’année). Une tendance qui pourrait paraître paradoxale, tant la trésorerie des entreprises a subi d’intenses pressions au niveau des coûts, de l’endettement, des marges et du chiffre d’affaires. Mais ce recul est principalement à mettre au crédit du soutien étatique massif, qui a permis à de nombreuses entreprises de perdurer bien que fragilisées par la crise. En effet, les PGE, les subventions, le chômage partiel et les annulations et reports de charges ont offert un répit aux entreprises certes salvateur, mais bien temporaire.

« L’effet trompe l’œil observé en 2020 au niveau des défaillances d’entreprises en France devrait progressivement s’estomper cette année, au gré du retrait du soutien étatique. En effet, que se passera-t-il quand l’Etat débranchera la perfusion des entreprises, dans un environnement qui reste incertain ? Il faudra bien un jour régulariser les charges décalées, rembourser les PGE et recommencer à payer les salaires, le tout dans un contexte sanitaire et économique certainement fragile. Nous estimons ainsi que le risque d’impayés se renforcera considérablement en 2021 et en 2022, avec 45 000 défaillances d’entreprises cette année et 62 000 l’année prochaine en France. Là est l’enjeu de l’année à venir pour les entreprises françaises : saisir les opportunités offertes par le rebond économique attendu, tout en préservant sa trésorerie du risque d’impayés », conclut Selin Ozyurt.