Quelles sont les spécificités de la gestion de trésorerie pour les TPE ?
Côme Lepers. Le plus souvent, les TPE n’ont pas les moyens humains et financiers à consacrer à la gestion de leur trésorerie, cette tâche revenant la plupart du temps aux gérants. Or, ceux-ci sont très souvent très pris, et n’ont pas assez de temps à y consacrer. En outre, ils gèrent souvent leur trésorerie de manière très artisanale, avec au mieux un tableur. Si ces outils peuvent être utiles, ils montrent aussi rapidement leurs limites, en particulier dès qu’il s’agit d’appuyer une décision stratégique. Autre spécificité de la trésorerie des TPE, leur grande vulnérabilité face au risque d’impayés. Quand une entreprise a peu de clients, le moindre retard de paiement peut avoir un impact majeur sur sa trésorerie et la mettre en danger.
Quels sont les risques d’un manque de suivi sur sa trésorerie, notamment pour une TPE ?
Bien gérer sa trésorerie, c’est essentiel ! C’est même une question de survie pour une TPE, qui doit financer son exploitation et gérer son activité au quotidien. Par leur petite taille, les TPE se retrouvent en position défavorable lors de la négociation des délais de paiement. Elles doivent souvent faire face à un décalage entre leurs encours client et fournisseurs. Leur trésorerie est donc tendue et elles présentent un fort besoin en fonds de roulement (BFR). Un suivi ultra rigoureux de leur trésorerie est essentiel afin d’affronter chaque échéance, que cela soit le paiement des salaires, ou le règlement d’un fournisseur, de manière sereine.
Comment cela peut-il peser sur le développement d’une TPE à moyen terme ?
Pour se développer et se projeter dans l’avenir, avoir de la visibilité sur sa trésorerie à 3, 6, 8 mois est primordial. Que cela soit pour développer sereinement des projets ou pour prendre les bonnes décisions d’investissement. Tout l’enjeu est de pouvoir anticiper et estimer l’impact qu’aura une décision sur la trésorerie. Les gérants en ont d’ailleurs conscience puisque la trésorerie apparaît dans le Top 3 des préoccupations des dirigeants de TPE en Europe (source : rapport OpinionWay « Impact de la crise sanitaire et état d’esprit des dirigeants »). Mais paradoxalement, ils n’arrivent pas à traduire cette préoccupation dans les faits. En France, ils sont même 75% à reconnaître manquer de visibilité sur ce point.
Dans le contexte économique actuel, quels sont les principaux points de vigilance à avoir ?
La crise sanitaire et économique que nous vivons rend d’autant nécessaire la surveillance de tous les écarts d’entrée et de sortie de trésorerie. Les TPE doivent plus que jamais mettre tout en œuvre pour se faire payer dans les temps, leur procédure de recouvrement étant trop souvent artisanale et peu efficace. Elles peuvent, en parallèle, adopter une vision conservatrice en limitant pour un temps les sorties d’argent, en retardant certains investissements moins stratégiques ou en s’assurant des réserves financières afin d’avoir les moyens de réagir si une difficulté survient. Globalement, l’anticipation reste le mot clé pour assurer sereinement sa croissance.
Constatez-vous une aggravation du risque client pour les TPE ?
Elles ont toujours eu du mal à faire entendre leur voix. Elles sont donc plus sujettes à des impayés ou à des retards de paiement. Ceci est d’autant plus vrai depuis le début de la crise sanitaire, qui a exacerbé les difficultés, surtout lorsque la TPE est en relation avec une entreprise de plus grande taille : cette asymétrie ne joue pas en sa faveur. En revanche, c’est moins flagrant lorsque clients et fournisseurs sont de taille équivalente.
6 conseils pour gérer au mieux leur trésorerie
- Optimiser les délais de paiement en récompensant le paiement comptant ou les acomptes et en les rendant obligatoire, a minima, sur les affaires non-récurrentes.
- Profiter des périodes fastes pour négocier auprès de sa banque une autorisation de découvert et de meilleures conditions (plafond surélevé, taux d’intérêts réduits…), afin d’éviter le plus possible les pénalités en cas de difficulté.
- Constituer des réserves et mettre de la trésorerie de côté, en prenant du recul sur la gestion au jour le jour de l’activité, afin d’anticiper les éventuels coups durs. Ainsi, en mars 2020, les TPE qui possédaient des réserves ont mieux résisté et ont pu attendre plus sereinement la mise en place des PGE (Prêts Garantis par l’Etat), sans être prises à la gorge.
- Faire un état des lieux des charges compressibles et suppressibles, en listant tous les postes de dépenses. Avec cette vue d’ensemble, les arbitrages seront alors plus faciles à réaliser : réduire la flotte de véhicules, supprimer certains abonnements, réévaluer les charges d’entretien…
- Avoir un pilotage précis de sa trésorerie plus efficace qu’un simple tableur, certaines plateformes telles qu’AGICAP, permettent de savoir à tout moment ce que l’on peut attendre comme entrées et sorties. Disposer d’une vue claire et rapide de ses flux de trésorerie, en temps réel, permet alors d’établir un prévisionnel et d’éviter de faire des choix dans l’urgence.
- Optimiser son recouvrement en alternant les moyens de relances. Tout en gardant une politique au cas par cas, afin d’éviter d’endommager la relation client. La voie juridique ne doit être décidée qu’en dernier ressort.