Scénario macroéconomique 2018-2019 : Le tourbillon américain

Chaque trimestre, Euler Hermes, leader mondial de l’assurance-crédit, révise son scénario macroéconomique international et actualise ses prévisions de croissance par région. A l’issue du troisième trimestre 2018, les économistes d’Euler Hermes dressent le constat suivant : la croissance mondiale du PIB devrait rester résiliente en 2018 et 2019, malgré des sources d’instabilité situées aux Etats-Unis, dont les élections de mi-mandat, des politiques commerciales non coopératives et une politique monétaire progressivement restrictive.

La croissance mondiale s’ajuste aux Etats-Unis

L’économie mondiale devrait rester stable en 2018 et 2019, avec une croissance estimée respectivement à +3,2% et +3,1% (+3,2% en 2017). La dynamique reste positive malgré des facteurs d’instabilité en provenance des Etats-Unis.

En effet, l’économie américaine est sous-pression. Tous les indicateurs confirment une accélération cyclique incarnée par un faible taux de chômage. Les risques de surchauffe et d’erreurs politiques sont certes contenus. Mais la rapide détérioration du déficit public, couplée au resserrement de la politique monétaire américaine, assèche les liquidités mondiales. Et dans le même temps, la résurgence du protectionnisme américain alimente l’incertitude à l’échelle internationale. Toute la question est donc de savoir si les pays sauront résister à ces multiples chocs d’incertitudes et au resserrement des conditions globales de liquidité.

Un premier groupe de pays semble en mesure d’absorber ces chocs de liquidité et d’incertitudes commerciales. Il s’agit d’économies dont la politique monétaire est assez puissante pour résister aux perturbations extérieures : la Chine, la zone Euro et le Japon. Euler Hermes estime que l’économie de ces régions restera stable en 2018 et 2019.

Vient ensuite un second groupe de pays, qui sont déstabilisés par les orientations de politique économique américaines. Il s’agit en particulier de pays combinant vulnérabilités structurelles et erreurs de politiques économiques, comme l’Argentine et la Turquie. Les pays qui évoluent sur une corde raide, c’est-à-dire l’Afrique du Sud, le Brésil et la Russie, pourraient également être mis sous pression par les marchés en cas de détérioration de leurs fondamentaux macroéconomiques.

Enfin, le troisième groupe de pays devrait se montrer résilient si l’environnement commercial international est préservé des attaques protectionnistes les plus violentes. Parmi ces pays, certains restent sur la liste des économies à surveiller (Inde, Indonésie, Hongrie, Roumanie), tandis que d’autres semblent protégés (Asie émergente et pays d’Europe de l’Est dont les comptes courants affichent un excédent).

Commerce mondial : un atterrissage en douceur déclenché par le protectionnisme et l’incertitude

Les menaces protectionnistes ont déjà un impact visible: les indicateurs avancés confirment un ralentissement de la croissance du commerce mondial. Le nombre de nouvelles commandes d’exportations aux Etats-Unis, en Europe et en Chine ont décéléré et se rapprochent désormais de leurs niveaux moyens de la période 2012-2016.

Euler Hermes estime que la croissance du commerce mondial en volume décélérera à +3,8% en 2018 (+4,8% en 2017). Une stabilisation est en revanche attendue en 2019 (+3,6%), grâce à une demande mondiale qui devrait rester forte malgré le renforcement de la rhétorique protectionniste. En effet, le taux de chômage mondial a atteint un point bas record en 2018.

Protectionnisme : entre jeux commerciaux et querelle commerciale

Le Président Trump vient d’imposer 10% de taxes sur 200 Mds USD d’importations en provenance de Chine (prise d’effet au 24/09/2018). Cela fait suite à la mise en place d’une taxe de 25% imposée sur 50 Mds USD d’importations en provenance de Chine, qui avait elle-même répondu avec des tarifs douaniers de même ampleur sur 50 Mds USD d’importations en provenance des Etats-Unis.

Les autorités américaines ont annoncé qu’elles pourraient aller plus loin, avec des taxes supplémentaires sur 267 Mds USD d’importations en provenance de Chine. En retour, la Chine a annoncé une hausse de 5 à 10% de ses taxes sur 60 Mds USD d’importations en provenance des Etats-Unis.

Des taxes américaines plus fortes mettraient la croissance du commerce international en péril. Avec l’application américaine de 10% de taxes sur 200 Mds USD d’importations en provenance de Chine, nous nous rapprochons du scénario d’Euler Hermes intitulé « Querelle commerciale ».

  • Si les Etats-Unis implémentent une taxe de 25% sur 200 Mds USD d’importations en provenance de Chine (ce qui correspond au scénario « Querelle commerciale »), cela pourrait coûter 2 points de croissance au commerce mondial sur les deux prochaines années. La Chine et les Etats-Unis perdraient quant à eux 0,3 et 0,5 point de croissance du PIB.

  • Si les Etats-Unis implémentent une taxe supplémentaire sur 267 Mds USD d’importations en provenance de Chine, cela coûtera 6 points de croissance au commerce mondial. La Chine et les Etats-Unis perdraient quant à eux 1 et 1,7 point de croissance du PIB.

« Même si on parle beaucoup de guerre commerciale, nous voyons plutôt la situation actuelle comme une querelle commerciale. Ce qui est encourageant, c’est que le commerce mondial se porte jusqu’ici assez bien, avec une croissance ayant avoisiné les +5% l’an passé. Pour le moment, les effets du nouveau protectionnisme imposé par les Etats-Unis sont modérés. Mais si toutes les taxes évoquées sont appliquées, il faudra s’attendre à un renforcement du risque d’impayé à l’échelle mondiale », explique Ludovic Subran, Chef économiste d’Euler Hermes.