Les réserves de liquidités des entreprises françaises ont crû de +184 Mds EUR en 2020

25/02/2021
Dans leur dernière étude, les experts Euler Hermes se penchent sur la trésorerie des entreprises françaises. Selon le leader mondial de l’assurance-crédit, les réserves de liquidités des entreprises françaises se sont accrues l’an dernier de +184 Mds EUR (+26% vs 2019), sous l’impulsion des dispositifs d’aides publiques. Une nouvelle positive à court terme, mais qui doit être relativisée au regard de deux facteurs : un endettement croissant des entreprises et une véritable disparité sectorielle.

Les réserves de liquidités des entreprises françaises en croissance grâce au soutien étatique

La hausse des réserves de liquidités des entreprises françaises l’an passé est la plus grande constatée à l’échelle européenne, devant le Royaume-Uni (+182 Mds EUR) et l’Italie (+85 Mds EUR). Mais comment l’expliquer ? La tendance observée ne provient pas d’une croissance des revenus, en témoigne la violence avec laquelle le choc Covid-19 a affecté l’activité économique. Elle est principalement due au recours des entreprises aux dispositifs publics de soutien face à l’épidémie Covid-19.

« L’an passé, l’Etat français a pris de nombreuses mesures afin de soulager la trésorerie des entreprises dans un contexte de recul de l’activité économique. Les décalages de charge et le chômage partiel ont par exemple permis aux entreprises de limiter les sorties financières. Les subventions, au travers de systèmes de primes et de fonds de solidarité, ont amené de nouvelles sources de liquidités aux entreprises. Enfin, les Prêts Garantis par l’Etat ont été largement utilisés par les entreprises, mais de manière préventive : ils ont pour la plupart peu été consommés. Autant de facteurs, qui conjugués à la prudence des entreprises face à un environnement incertain, expliquent la hausse des réserves de liquidités en France », développe Ana Boata, Directrice des recherches économiques chez Euler Hermes.

Une progression marquée de l’endettement des entreprises

La hausse de l’endettement amène d’ailleurs à s’interroger sur la capacité des entreprises françaises à honorer leurs remboursements. En effet, à la fin du T3 2020, le taux d’endettement des entreprises françaises était déjà supérieur de +12,5 points au niveau de fin 2019. De plus, à fin 2020, les liquidités disponibles des entreprises françaises ne représentaient que 21% des dettes contractées, contre 24% en moyenne en zone euro, aux Pays-Bas et en Allemagne, et même 36% au Royaume-Uni. Faut-il s’en inquiéter ?

« A court terme, l’endettement croissant des entreprises françaises ne doit pas être vu comme un facteur d’inquiétude. D’une part, parce que les montants empruntés n’ont pas été entièrement consommés ; de l’autre parce que l’Etat a déjà consenti un rallongement des délais de remboursement. Toutefois, face à l’incertitude de la situation sanitaire, cet excès de cash sera sûrement nécessaire aux entreprises pour financer cette année leur cycle d’exploitation et payer les charges et taxes reportées en 2020. La question de leur solvabilité se pose donc légitimement, même si à court terme nous avons gagné un peu de temps grâce au prolongement des mesures étatiques, et dépendra du rythme de reprise de l’activité économique », répond Ana Boata.

Une tendance globale qui ne reflète pas la même réalité pour tous les secteurs

La hausse globale des réserves de liquidités des entreprises françaises doit également être relativisée au travers d’un prisme sectoriel. En effet, de fortes disparités en matière de trésorerie existent entre les secteurs, justifiées par leur exposition plus ou moins grande au choc Covid-19.

« Les secteurs manufacturiers, qui ont rapidement pu reprendre leur activité, cristallisent la majeure partie de l’excès de cash accumulé en 2020 en France. En revanche, une attention toute particulière doit être accordée aux secteurs qui ont été, et sont toujours, durablement perturbés par l’épidémie Covid-19. On peut notamment penser à la distribution, à la restauration, à l’évènementiel ou encore au tourisme. Ces secteurs ont également eu accès aux dispositifs publics de soutien. Mais à la différence des secteurs productifs, ils ont dû utiliser ces ressources additionnelles pour perdurer, et leur trésorerie est aujourd’hui dans une situation bien plus fragile. Nous estimons d’ailleurs que dans ces secteurs, une entreprise sur quatre reste exposée à une crise de trésorerie en 2021 », explique Ana Boata.

Comment les entreprises françaises utiliseront-elles ces réserves de trésorerie ?

Les réserves de liquidités générées par les entreprises en 2020 leurs seront très utiles cette année, à deux égards. Tout d’abord, cet excès de cash leur permettra de régulariser les décalages de charges consentis l’an dernier par l’administration publique : en France, le cumul des charges décalées représente 67 Mds EUR. Ensuite, les entreprises devront puiser dans leur trésorerie pour financer leur besoin en fonds de roulement dans un contexte de reprise. Historiquement, ces phases économiques impliquent un relâchement des comportements de paiement et un fort besoin de reconstitution des stocks, comme ce fut le cas en 2010 et en 2017. Le besoin en fonds de roulement des entreprises françaises pourrait selon Euler Hermes croître de +2 jours en 2021, ce qui représente en valeur 4 Mds EUR. Que feront alors les entreprises avec le montant de trésorerie restant ?

« La circulation du cash est une vraie problématique en France. En 2021, les entreprises continueront-elles de se montrer prudentes, ou lanceront-elles un nouveau cycle d’investissement ? Tout est question de confiance, mais la réponse à cette question conditionnera grandement le profil de la reprise économique en France », conclut Ana Boata.